TEXTES
- François Salmeron 2020 /
série Fictions
Critique d’art membre de l’AICA France
Chargé de cours au département de photographie de l’Université Paris 8
Quand la science se fait fiction et réenchante l’imaginaire
Paradoxalement, Patrick Rimond soutient que la science, habituelle garante du vrai, devient ici un « récit fictionnel » partant « du réel observable » pour « descendre vers l’infiniment petit ». Le chemin menant à la vérité ne consiste plus à s’élever vers un au-delà suprasensible ou transcendant, comme l’a soutenu tout un pan de la métaphysique occidentale depuis Platon. Désormais, il s’agit de se diriger en-deçà du visible, au cœur de la réalité matérielle, là où se logerait la clé de la vie, comme si la moindre molécule contenait déjà en elle le principe régissant toutes les échelles du vivant… Les contrées inouïes que révèle l’œil du microscope réenchanteraient ainsi notre perception du monde : elles excèdent le pouvoir de notre imagination – le réel dépasse la fiction –, et nous font renouer avec le sentiment d’« étonnement » qui se situe à la racine de tout désir de connaissance. On s’émerveille donc devant ces formes miniatures dont la structure paraît naturellement harmonieuse.
- Frédéric Bieth 2012 /
série Rencontres singulières
Philosophe et psychanalyste
Exposition à la galerie Duffay Bonnet, Paris, 2012
Patrick Rimond ne photographie pas les visages, il tente de s’approcher, de toucher la nudité essentielle, seule capable de faire visage. Peut-être, est-ce ce que toucher veut dire, – il n’est jamais contact, toujours rencontre «a-venir» -, plus justement ce que je veux garder précieusement, l’essence même d’un toucher et du bouleversement qui – au-delà de mes sens, m’aura changé à jamais, que toucher n’aura été qu’être-au-toucher. Dès lors, dégagé de tout signe, de toute expression particulière, son visage se donne parce qu’il n’est pas, ou jamais, affaire de couleur de cheveux, d’yeux, mais la simple promesse.
Le visage ne m’est jamais donné, certainement parce que la nudité absolue n’est qu’une promesse, celle d’un devenir qui fait avenir. Elle, femme ou promesse, convoque toute la force de mon désir dans un face-à-face où s’esquisse la fragilité pure.
- Valérie Douniaux 2011 /
Séries Japon
Docteur en histoire de l’art moderne et contemporain japonais.
Éloge du présent, un Japon sans détour
Nous ne sommes pourtant pas face à une photographie documentaire ou « humaniste » au sens classique du terme. Les quatre séries mêlent portraits et paysages urbains, les deux grands pôles des recherches photographiques de Patrick Rimond. Franches et directes, les images se présentent sans fard au spectateur, prenant le risque de déconcerter celui-ci, plus habitué aux joliesses ou aux artifices décoratifs. Patrick Rimond nous fait redécouvrir le monde qui nous entoure avec un regard neuf, comme lavé des excès esthétisants fréquents de la création photographique contemporaine. Il y a certes un parti-pris visuel dans ces œuvres, mais c'est celui de la simplicité (et non du simplisme, bien au contraire). Bien que prises spontanément, au gré des déambulations de l'artiste dans la ville d'Osaka, les photographies expriment le point de vue d'un œil aiguisé, d'un esprit à l'affut de l'harmonie cachée dans l'apparent chaos urbain japonais.
- Michael Dumont 2010 /
série Hypnagogies
Galerie KH15 Berlin
Hypnagogies est une série marquante par sa chromatique inhabituelle (ton bleuté brun, profond et nocturne de la radiographie) et par la dissolution de la matière photographiée.
Le surgissement de formes indécises, non référentielles, rapproche cette série des photogrammes (Fox Talbot) ou des rayogrammes (Man Ray) du début du XXe ou bien des expériences visuelles lumineuses de Moholy-Nagi. On peut encore penser à Raymond Hains (série hypnagogique des années 50), mais aussi à la tentation d’une photographie pure (Weston) et plus globalement à la tentation abstraite lyrique qui traverse tout l’art du XXe siècle.
La série se distingue de la production contemporaine dominée par la chronique intime, le réalisme froid ou critique, l’imaginaire post-human et le retour documentaire ou la fiction-documentaire.
- Sabina Czajkowska 2008 /
série Hypnagogies
Journaliste et critique d'art, Arteon magazine
Rencontres de Patrick Rimond
Catalogue de l'exposition à la Galeria O.N., Poznan, Poland
Patrick Rimond est un observateur. On peut dire que ses recherches photographiques consistent à chaque fois à "partir à la rencontre" du monde. La curiosité, l’ouverture à tous les signaux que l’artiste reçoit (ceux qui sont perçus et reconnus rationnellement mais aussi, et surtout, ceux qui sont absorbés par l'inconscient), autant que la confiance en une intuition visuelle et que finalement la prise du risque pour "simplement" relâcher le déclencheur, sont indispensables pour être ledit observateur. Que ce soient les portraits dans lesquels Patrick va à la rencontre "d’une personne inconnue", "d’un autre" (avec toutes les conséquences qui en découlent, y compris le fait que lui-même est aussi perçu comme "un autre" par la personne qui est devant son appareil photo) où il se concentre sur l'essence de la rencontre, de la présence et de "l'être" de l'humain dans une forme forte de portrait, ou que ce soient les paysages, surtout les paysages urbains, dans lesquels en apparence rien ne se passe mais qui hypnotisent par leurs formes, intriguent par une non dite mais perceptible étrangeté, les photographies sont toujours un enregistrement de l’envie de rencontre.